7 septembre
Je ne sais plus, en ce moment, qui je veux être. J’aime les belles choses et je veux en profiter. J’aime le subversif, le choquant, l’original, mais en même temps la simplicité, l’élégance, le glamour, le minimalisme. Je ne supporte pas être partout dans plusieurs mondes esthétiques différents, j’ai besoin d’une cohérence, d’un ensemble, d’une personnalité qui serait un ensemble et non pas une alternance entre plusieurs esthétiques différentes. J’aimerais cultiver mon goût et aiguiser mon oeil pour ne plus être sujette aux tendances Pinterest mais j’ai l’impression de ne pas avoir la force et les bons outils pour.
En faisant mes moodboard pour la saison, j’étais perdue. J’étais submergée de différentes esthétiques et je ne savais pas justifier mes goûts. Je me suis rendue compte que je ne savais pas pourquoi j’aimais cela et surtout que je n’étais pas capable de savoir si j’aimais ça car je l’avais vu sur Pinterest et twitter ou si je pensais vraiment que ça pourrait aller. J’aime les esthétiques mais est-ce que je les aime sur moi ? J’aime les esthétiques ou j’aime savoir (ou avoir l’impression) que j’ai déniché une tendance niche, en mode j’ai repéré de manière exclusive (alors que des centaines l’ont probablement repéré avant moi) ?
J’aime les esthétiques ou j’aime savoir (ou avoir l’impression) que j’ai déniché une tendance niche,
Dans mes moodboard, aucune cohérence stylistique et graphique de mise en page. Je me sens comme ridicule et pas légitime d’aimer ce que je vois. J’hésite entre une esthétique spirituelle/religieuse/très croix/dentelle noire et blanche/coquette, le rock des mannequins des années 2010 habillées tout en noir avec des jean slim, des bottes mi hautes, le style alternatif berlinois avec beaucoup d’asymétries, de matières légères et souples, Kate Moss mon icône (d’ailleurs j’interroge cela aussi : est-ce que je l’aime autant parce qu’il est confortable d’aimer une icône dont on a juste à s’inspirer pour s’habiller et c’est dans un sens très pratique, tout en montrant que l’on a une référence, ou est-ce que je l’aime pour ce qu’elle dégage réellement ?) où toutes ses era m’inspirent et enfin une esthétique mini jupe office Miumiu Prada coquette simple où j’adore l’idée de laisser entrevoir mes tatouages pour montrer une autre vision de cette esthétique plus corporate et acceptable tout en oubliant pas mon désir de marginalité (performative). Le fait que j’en vienne à apprécier un outfit d’un défilé Chloé avec Karl Lagarfeld me fait réellement questionner mes goûts et je me remets en question avec ceci mon impératif de cohérence.
Au fond, il y a quand même une cohérence visuelle avec toutes ses esthétiques : le noir. Mais le noir me donne aussi envie d’explorer les belges et les japonais. Mais est-ce que je le veux parce-que je sais que ce sont les références par excellence et que je le souhaite seulement par réputation ou est-ce que je le souhaite réellement ? Je me sens trop jeune pour porter Ann D, pas assez subervsive pour Rick Owens, pas assez sensible à la mode japonaise, un peu réticente pour Margiela vu l’engouement populaire de ces dernières années, trop vieille. Je sais qu’une de mes motivations à désirer m’habiller chez les créateurs de la nouvelle vague est le fait de montrer que je sais, que j’ai les réf, que je connais l’existence et l’importance de ces créateurs. Car je ne me vois pas finalement tant que ça porter ces marques. Je les apprécie pour leur univers, leur influence et inspiration, leur vision et leur talent mais je ne suis pas sûre de pouvoir les porter.
J’ai fait un tableau des créateurs que j’aimais et pourquoi je les aimais, de manière très scolaire, en espérant trouver des réponses et des lignes pour me guider dans mes prises de décision, pour me donner une idée de la direction que je veux prendre pour cette saison. Mais je me retrouve tout aussi confuse. Cependant, j’ai pu faire le tri entre les marques qui me plaisaient à voir et celles que je me vois porter. Mais celles que je me vois porter sont simplement celles qui sont tendances.
Mon indécision vestimentaire résulte de ma volonté d’être différente couplée à mon incapacité de l’être. Et mon impératif de cohérence m’obsède au point d’être bloquée car je suis tiraillée entre plusieurs choix. Mais pourtant, je ne me vois pas m’adonner pleinement à un seul choix, une seule esthétique. Je ne me sens pas non plus d’aller picorer quelques éléments et détails de chacune des esthétiques que j’apprécie car j’aurais l’impression de faire quelque chose de trop scolaire où il suffirait simplement de faire ça pour que le problème soit résolu. Pourtant, je sais être décisive au choix de mon gâteau d’anniversaire que je veux noir avec plein de petites croix.
Mon indécision vestimentaire résulte de ma volonté d’être différente couplée à mon incapacité de l’être. Et mon impératif de cohérence m’obsède
Pourquoi n’est-ce pas aussi simple pour une fonction aussi simple qui est celle de s’habiller ?
Impératif à la personnalité
Je crois que je manque terriblement de capacité à me chercher. Je ne sais pas comment me connaitre esthétiquement et donc personnellement. Pourtant, je suis très forte pour m’analyser et comprendre chaque aspect de ma vie qui ne va pas et l’améliorer. Je passe ma vie intérieure à me questionner et surtout à comprendre pourquoi. Les psy n’ont pas de travail avec moi car je fais tout mieux qu’eux. Comment retranscrire ma vision, ma personnalité ? Et si j’en avais pas ? Comment faire pour faire pareil mais stylistiquement ? Ma culture en mode ne change rien au fait de façonner mon goût et ma personnalité. Est-ce un problème cet impératif à la personnalité stylistique ?
Il y a toutefois une constante en particulier dans mes goûts, dans ce que j’apprécie et l’intensité. Je sais également que ma vision pour cet objet est sincère et me correspond parfaitement, avec lequel je suis en accord. Ce sont les tatouages. Et particulièrement une esthétique assez ornementale et chrétienne, plutôt catholique mais parfois orthodoxe, fleurie, un peu organique. Ca peut-être du gothique comme de l’art déco. Dans la direction que je veux donner à mes tatouages, je n’ai aucune difficulté à trouver une cohérence puisque ce goût est consistant. Peut-être est-ce ça le problème, en terme de style vestimentaire, mon goût est toujours autant éclectique ? J’ai même l’impression qu’il ne s’est pas travaillé depuis 3 ans alors que j’ai été en école de mode, que je traîne dans les soirées underground et que je vis à Paris. J’ai bien sûr eu des sensibilités différentes selon des périodes, mais elles étaient toujours rattachées à quelque chose de déjà existant, une tendance quoi. Quand j’ai commencé à aller en soirées techno, bien que j’avais déjà commencé à m’assombrir et à porter beaucoup plus de noir, je voulais absolument porter des chaînes et des grosses plateformes (je n’ai pas tardé longtemps avant de m’acheter ma première paire de New Rock). Peut-être que Paris n’est pas le lieu où je saurai le mieux m’exprimer ? J’ai une conviction très naïve que New York me conviendrait.
Si je ressens que j’ai des efforts à faire pour avoir une personnalité et que ce n’est pas naturel pour moi, peut-être devrais-je cesser de chercher à en avoir une, du moins, à une exprimer une selon mes attentes. Mais je ne veux pas me contenter de vivre simplement, sans m’exprimer. Et écrire ne me suffit pas. Je veux que les gens apprennent à me connaître à travers mon apparence.
Mais je ne veux pas me contenter de vivre simplement, sans m’exprimer.
Actuellement, j’ai l’impression que ça ne dit rien d’intéressant ou qui correspondrait réellement à qui je suis. Je ne suis pas l’image que je renvoie.
Besoin de différence
Hier, j’ai regardé le instagram de mes anciennes camarades de classe d’école de mode. Comme elles sont tendances et instagrammables ! Je suis vraiment tombée dans leur piège en les jalousant. et cette fois-ci, mon côté « elles sont superficielles, elles ne font que recopier des tendances et n’ont aucune réelle personnalité » ne suffit pas à me convaincre et à me faire oublier que ce que j’ai vu était enviable. Je n’ai pas pu me convaincre non plus qu’elles ne sont qu’une apparence et que dans le fond elles ne sont pas intéressantes (elles ne le sont vraiment pas, discuter avec elles n’a rien d’intéressant mais impossible de me convaincre de ça pour aller mieux).
Je ne suis pas l’image que je renvoie.
Quand je me suis mise à courir, je me suis dit qu’il me fallait absolument une tenue pour. Je suis immédiatement tombée dans le piège de la tendance en me disant qu’il me fallait un legging, une paire de chaussettes blanches hautes que je mettrai par-dessus le legging, une paire de New Balance et un beau sweat. Tenue que je pourrais porter également en ne faisant pas de sport. Je me suis vue alors de nouveau désirer le populaire, la tendance, le commun. Mais je me rassure en me disant qu’avec mes tatouages et piercings, porter un style basique ne le sera jamais vraiment. Pourquoi je n’arrive pas à accepter d’être comme tout le monde dans le principe et à côté ne pas savoir ne pas être comme tout le monde ?
J’ai vu l’une des filles que je stalkais reprendre deux figures qui m’inspiraient : les soeurs Olsen et Carrie Bradshaw. Les voir sur son feed insta comme étant explicitement une référence pour elle (et datant de l’année dernière) m’a tout de suite fait moins aimer cette influence et je me suis alors trouvée ridicule d’avoir aimer quelque chose vu sur pinterest, et surtout 1 an après elle. Est-ce que je veux que les soeurs Olsen et Carrie Bradshaw m’inspirent réellement ou l’ai-je été car sur pinterest tout est fait pour se sortir original et unique, sentant qu’on a déniché enfin une tendance niche ? D’ailleurs, j’ai une amie, qui lorsque je vois qu’elle a aimé telle marque, ça me fait ne plus aimer la marque. soit parce-que je suis une grosse gatekeeper soit parce que je n’aime tout simplement vraiment pas savoir que ce que j’aime est aimé du sens commun. Pourtant qui suis-je pour me permettre de penser que je suis hors du sens commun sachant que même quand j’essaie d’imiter les tendances je le fais mal ? Le seul moment où je me sens originale et créative est lorsque je m’habille pour aller en soirée, là où je peux m’autoriser de mettre 3 cm de tissus et faire varier les accessoires bricolés avec des épingles à nourrice apparentes. Je ne peux pas me permettre d’être comme ça tous les jours.
Pourquoi je n’arrive pas à accepter d’être comme tout le monde dans le principe et à côté ne pas savoir ne pas être comme tout le monde ?
Peut-être est-ce pour ça que je ne me sens pas totalement accomplie ? Car je ne prends pas de risques ? Ou bien parce que je suis assaillie par des impératifs sociétaux et des obligations telles que le travail qui m’empêchent donc de venir en robe de dentelle noire transparente. Peut-être qu’un jour je me sentirais suffisamment accomplie dans ma vie pour ne plus avoir le besoin de savoir qui je suis, pour ne plus chercher à m’exprimer vestimentairement, tout en me libérant de mes auto-impératifs de volonté de distinction et de besoin de reconnaissance.
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